L'ÉGLISE SAINT-SATURNIN À GENTILLY


Classée monument historique depuis 1991, l'église Saint-Saturnin, à Gentilly, date du VIIe siècle. On a tout lieu de croire que l'emplacement de l'église actuelle forme le berceau originel de l'agglomération.

    Gentilly qui, jusqu'au VIIe siècle appartient au fisc royal, est offert à Saint Eloi par Dagobert ; roi des Francs depuis 632. Eloi, trésorier de Dagobert fonde un certain nombre d'abbayes et c'est pour celle de Saint-Martial, qu'Eloi voulait édifier près de Paris, que le roi lui offre la terre de Gentilly. Eloi vient fréquemment à Gentilly pour visiter l'abbaye.

Une reconstruction partielle
    Une église primitive existe à cette époque au lieu même de l'actuel bâtiment. La terre restera plus de deux siècles entre les mains des religieux de Saint-Martial mais ceux-ci la cèdent, en 878, à Ingelvin, l'évêque de Paris.

 
    Les documents sont rares, néanmoins les sources dont nous disposons nous permettent d'imaginer la forme générale de la bâtisse au Moyen-âge et nous donnent, en revanche, des détails précis quant à son allure " moderne ", au XVIe siècle.

 
    A cette époque, l'église subit une reconstruction partielle à la suite de l'effondrement de la nef. La restauration est achevée en 1532 et elle reçoit alors le nom de Saint-Saturnin. La nouvelle église se présente comme un édifice " à la façon gothique ". Ce choix architectural est étonnant car le style dit " Renaissance " s'est imposé depuis le tout début du XVIe siècle. Peut-être faut-il y voir de la part des architectes le désir d'harmoniser la nouvelle construction avec le chœur rescapé de l'accident. Il n'en demeure pas moins que, hormis les restaurations résultants de l'action destructrice du temps et des hommes, le bâtiment actuel est celui du XVIe siècle.

Les joyaux de l'église
    Le bâtiment n'est plus entretenu pendant des décennies. Pourtant, il renferme quelques joyaux comme le vitrail du chevet (l'extrémité de la nef de l'église, derrière l'autel), chef-d'œuvre d'artisans verriers du XIVe siècle.

On y voit le Christ mort, dans les bras de sa mère ; à sa gauche, saint Denis, évêque et martyr, décapité au IIIe siècle avec, à sa droite, saint Saturnin (dit aussi saint Sernin), premier évêque de Toulouse lui aussi martyrisé. Quant fut dressé, au début du XXe siècle, l'inventaire des objets d'art renfermés dans les églises, ce vitrail apparut comme le plus ancien de la banlieue.

 
    L'église de Gentilly a aussi abrité une toile peinte par Claude Vignon, maître français du XVIIe siècle. Il s'agit d'une " Adoration des mages ", datée de 1624 ou 1625 (le tableau ayant souffert la date est peu lisible), dans laquelle l'artiste utilise la technique du clair-obscur qu'il avait acquise en Italie au contact du Caravage. Reléguée dans un débarras, la toile a été découverte tout à fait par hasard. Restaurée, elle se trouve aujourd'hui, pour des raisons de conservation, dans l'église Saint-Gervais à Paris.

Saint-Saturnin au XIXe siècle
    Trois siècles plus tard, un ouvrage intitulé " Promenade au centre du Grand-Gentilly, près de Paris " décrit l'église paroissiale comme un édifice de forme " régulière " et " remarquable par la manière tout à la fois simple et noble dont elle est décorée ". Le ton peut sembler quelque peu dithyrambique mais on excusera son auteur, l'abbé Detruissard, poète à ses heures et... curé de Gentilly.

 
    La " promenade " de l'abbé fournit d'autres informations concernant l'église et ses environs puisque, dit-il, en traversant la grande place, on peut admirer la flèche de cet " antique et solide monument ". Il y fait aussi mention de deux chapelles au fond des collatéraux (de part et d'autre de la nef) possédant chacune un petit autel. L'abbé ne fait pas que décrire, il prend des initiatives. Constatant avec indignation qu'une " grande statue de Jésus-Christ " est remisée dans une autre chapelle " remplie d'un amas de fourrage destiné à la nourriture des animaux ", il la fait placer dans l'église.

Une restauration longue et coûteuse
    Le bâtiment appartient désormais au patrimoine de la commune et, dès la Révolution de 1789, les différents conseils municipaux en ont assuré l'entretien. Très tôt, des mesures de protection sont prises au titre des Monuments historiques sur certains objets mobiliers. Le 4 avril 1907, un arrêté classe le vitrail du chevet " La Trinité entre l'Annonciation et la Visitation " et la toile de Claude Vignon. Le 7 janvier 1922, les deux panneaux d'armoiries des vitraux du chœur (XVIe siècle) sont aussi classés.

 
    Quant au bâtiment lui-même, il est inscrit à l'Inventaire supplémentaire des Monuments historiques le 16 avril 1929. Cette " inscription ", étape intermédiaire obligatoire avant le " classement ", apporte peu d'avantages financiers à la Ville qui continue d'assumer (pratiquement) seule les dépenses pour les travaux d'entretien. Une véritable bataille s'engage à partir des années soixante pour obtenir le classement définitif de l'église Saint-Saturnin parmi les monuments historiques. Celui-ci intervient enfin en janvier 1991.

 
    L'église classée, les rapports économiques changent puisque désormais la participation de l'Etat passe de 10 à 50%. Aujourd'hui, les restaurations sont largement entamées, voire terminées.

D'autre part, elle est devenue un acteur de la vie culturelle gentilléenne puisque l'église reçoit régulièrement le Conservatoire municipal de musique qui y organise des concerts. Récitals, sonates, quatuors ou petits ensembles des époques baroques ou contemporaines résonnent au fil des ans sous les voûtes de Saint-Saturnin, alliant le plaisir des oreilles, grâce à son acoustique, à celui des yeux par le charme du bâtiment même.

                            Madeleine Leveau-Fernandez